Il y a quelques jours, une amie est venue me rendre visite en Bretagne, où je suis en cure de désintoxication de chlore depuis dix jours. Alors que nous étions immergées dans l’eau salée du petit matin, frissonnantes et émerveillées, elle m’a lancé :
“Si tu devrais choisir entre la piscine et la mer, tu garderais quoi ?”
Mon premier réflexe, face à cette question, a été de plonger la tête sous la surface pour m’offrir quelques secondes de réflexion.
Des piscines dans mon sac
Chaque été, à l’approche du moment où je vais quitter Paris, je ressens un pincement à l’idée d’abandonner mes chères piscines. Je rends une dernière visite quasi mystique à mes préférées, je les contemple avec tendresse et, déjà, nostalgie. À quoi ressemblera ma vie sans ces bassins autour desquels je compose mes journées, sans ces longueurs de 25 ou 50, sans ces rituels de zone de déchaussage, de vestiaires, de douches et de choix de ligne ? Que deviendront les habitué·es quand je ne les verrai plus ? Les retrouverai-je à la rentrée ?
Cette année, le pincement est même devenu une déchirure, à tel point que j’ai engrangé une collection de piscines pour pouvoir emporter leur existence dans mon sac de voyage. En juin, outre mes piscines parisiennes, je suis allée nager à Grenoble, à Nogent-sur-Marne, à Boulogne-Billancourt et à Clermont-Ferrand, histoire d’avoir des souvenirs de bassins à chérir quand les lignes de nage me manqueraient cruellement.
Puis j’arrive à la mer. Et tout à coup, c’est comme si un grand seau d’eau salée venait laver ma mémoire de son chlore. Voilà que je me mets à penser à la mer matin, midi et soir, que je me lève en même temps que la lune pour aller toucher l’eau au milieu de la nuit. Tout à coup, je me dis “La voilà, l’eau ultime ! Elle étreint, elle porte, elle s’agite et se calme, elle se cale sur la Lune, se colore de vert, de bleu ou de gris ; elle n’a pas de limites, change sans cesse de contours, et ne me refuse jamais.” Enfin, sauf quand la qualité de l’eau laisse à désirer, et que la baignade est interdite 🥴
Les monstres tapis dans les algues
J’ai longtemps eu peur de la mer et de l’océan. J’adorais y aller, mais pas loin, et pas seule. La faute à une imagination trop fertile, qui dessine des monstres marins dans la moindre touffe d’algues. Et puis… à force de nager en piscine, je me suis retrouvée bien contrainte d’aller chercher ma dose d’eau quotidienne une fois que j’étais en vacances. Alors j’y suis allée, encore et encore. Un peu plus loin chaque jour. Parfois, avec des gens qui avaient plus peur que moi – ce qui m’aide toujours à oublier ma propre appréhension.
Aujourd’hui, la peur s’est muée en attraction. Et me voilà, la tête toujours immergée, à me demander ce que je vais répondre à mon amie. D’une poussée des bras, je remonte à la surface. Elle n’est plus là. D’ailleurs, a-t-elle vraiment existé, cette amie, ou l’ai-je rêvée ?
Chère amie, je ne suis pas capable de répondre à ta question. Entre la piscine et la mer, je décide de ne pas choisir. J’aime les piscines, parce que j’aime les contraintes, j’aime le cadre, j’aime la rigueur des nages chlorées, j’aime les cours de natation, j’aime l’architecture, j’aime voir et revoir les habitué·es, et les autres. J’aime les piscines, aussi, parce qu’elles m’ont permis de surmonter ma peur de la mer. J’aime les piscines, enfin, parce qu’elles m’ont appris à aller chercher la beauté là où elle n’est pas donnée d’emblée.
J’aime la mer parce que j’aime la liberté, la variation des intensités, l’imprévisible, la nature et l’infini. J’aime la mer pour son charme évident, tout de suite offert.
Je sais que quand viendra la dernière nage en mer de l’été, j’aurai le cœur gros, comme si je n’allais plus jamais rien vivre d’aussi sublime. Et puis je reprendrai le chemin d’une piscine parisienne. En approchant du bâtiment, je sentirai l’excitation monter. Et, comme un poisson rouge à la mémoire courte, je me dirai que décidément, nager en piscine est ce qu’il y a de plus beau.
Je vous laisse, l’eau m’appelle
Napa
Chère Napa bretonnante,
J’ai adoré ce message , c’est exactement ce que je ressens!
Je suis à Belle île en mer , la mer est toujours sublime ici - bien fraîche cette année … mais comme toi , je pense et respire « mer » , « baignade » matin , midi, soir , nuit …
La lune était magnifique hier soir !
Et quand je serai de retour à Dijon , j’aurais aussi quelques palpitations pour les retrouvailles avec la piscine olympique( qui ne sent pas le chlore)
Je reviens justement de ma baignade et savoure la chaleur après la douche … avant de vérifier quand sera la prochaine …marée haute
Bises salées
Mylene
Quel plaisir de lecture cette newsletter !
Les piscines naturelles me semblent un bon compromis, le cadre rassurant + les algues, le contact de la pierre rugueuse